Les jeux sont faits
Depuis le 16 décembre 2011 est en ligne la version 1.0 du Référentiel d’exigences pour la labellisation des prestataires d’audit SSI - qui font partie des PSCO (Prestataires de Services de COnfiance, une notion introduite par le RGS). D’ailleurs l’article de l’ANSSI précise que le document actuel sera intégré à la prochaine version du RGS.
Ce document - qui avait déjà fait parler de lui - n’est pas applicable en l’état : on peut lire page 7 que: « La procédure d’évaluation de la conformité des prestataires d’audit aux règles du Référentiel qui leur sont applicables fera l’objet de documents complémentaires ».
Néanmoins le document existant mérite d’être étudié, car il est appelé à devenir une référence dans les futurs appels d’offres de l’administration – du moins si un nombre suffisant d’acteurs jouent le jeu, puisqu’on peut lire sur le site de l’ANSSI que : « Les autorités administratives peuvent utiliser ce référentiel, en totalité ou en partie, dans les cahiers[1] des charges de leurs appels d’offres de prestations d’audit. Une fois le nombre de qualification de prestataire d’audit suffisant, elles pourront également requérir que l’audit soit réalisé par un prestataire qualifié ».
Que le lecteur se rassure : je ne vais pas me lancer dans une analyse différentielle ligne à ligne des versions 0.9 et 1.0 du même document, mais plutôt jeter quelques bouteilles dans l’océan qui me sépare de l’administration.
Premier point qui me fait chaud au cœur : la page 10. Oui, vous ne rêvez pas, le terme « ingénierie inverse » fait partie des compétences nécessaires au pentester. C’est une révolution de palais – ou une facétie de l’éditeur, car ce terme n’apparaît plus en page 21 (tous les audits applicatifs nécessitent d’avoir accès au code source) ni en Annexe B (dans la liste des compétences techniques).
Deuxième point notable : il n’est plus nécessaire de savoir tout faire. Un prestataire peut être certifié sur tout ou partie des périmètres suivants :
• Audit d’architecture
• Audit de configuration
• Audit de code source
• Test d’intrusion
• Audit organisationnel
Il est précisé toutefois page 7 qu’un prestataire ne peut pas être certifié uniquement sur le test d’intrusion ou l’audit organisationnel : « une telle activité étant jugée insuffisante si elle est menée seule ». Voilà qui risque d’éliminer un certain nombre de micro-entreprises … a contrario, j’en connais d’autres qui doivent jubiler devant une définition aussi proche de leur activité – il ne manque qu’une exigence sur les compétences juridiques et/ou CNIL pour éliminer le peu de concurrents encore en lice.
Le document se prononce également sur le délicat sujet du social engineering : on peut lire page 14 que les tests doivent être conduits « dans le respect des personnels ». Ce sujet épineux avait déjà beaucoup agité la Fédération des Professionnels du Test d’Intrusion – lorsqu’elle existait.
Enfin le document donne en page 12 la réponse à la sempiternelle question : « qu’est-ce qu’un ancien hacker » ? Dormez tranquilles : « Le prestataire d’audit peut également demander au candidat une copie du bulletin n° 3 de son casier judiciaire ». Le principe de bon sens « pas vu – pas pris » continue donc de s’appliquer. Désolé pour les « hackers repentis » … Il faut dire que les prestataires de services auraient été victimes de concurrence déloyale s’ils ne pouvaient pas recruter d’anciens hackers comme l’ANSSI ;)
Pour finir, une nouvelle compétence a fait son apparition en page 10 : « L’auditeur doit disposer de qualités rédactionnelles et de synthèse et savoir s’exprimer à l’oral de façon claire et compréhensible, en langue française ». Moi qui était déjà favorable à la dictée lors des entretiens d’embauche, voilà désormais qu’il va falloir introduire le PowerPoint Karaoké … ce qui risque d’être autrement plus sélectif que le challenge SSTIC !
Pour conclure, il est encore difficile de dire où tout cela va nous mener. Quels vont être les critères techniques d’évaluation des prestataires, particulièrement dans des sciences molles comme l’audit organisationnel ? Qui va faire passer les certifications ? Des sociétés privées mandatées par l’ANSSI ? Y aura-t-il un QCM ? Sera-t-il possible de tricher ? Et surtout : est-ce que les prestataires vont se ruer vers la certification ?
L’expérience de la CSPN semble montrer que le ratio complexité/intérêt s’est avéré trop élevé pour les prestataires d’audit comme pour les éditeurs de logiciels.
Même si ce référentiel va s’imposer de lui-même pour la prestation de service aux administrations, il n’est pas dit qu’il connaisse le même succès dans le domaine des prestations privées … surtout si un standard ou une norme - américaine ou internationale - apparaît d’ici là !
PS. Bonne année à tous ! Et oui, j’ai pris la résolution de bloguer plus en 2012 :)
[1] Je me suis permis de corriger une typo ici, car les correcteurs orthographiques Microsoft sont notoirement meilleurs que leurs équivalents Open Source ;)
3 commentaires:
Il y aura bien un QCM et une dissertation (note de synthèse dans le langage de l'administration) qui permettra de revenir en deuxième semaine pour un grand oral devant un jury trié sur le volet (cad tout Inspecteur de l'Agence (donc expert) qui passait dans le couloir à ce moment là) qui jugera sur la base de critères objectifs et mesurables (dans l'ordre: taille du décolleté - nombre de tournées payées lors du dernier SSTIC - nombre d'années passées dans la même boite ou école que les membres du jury présent ce jour là) si vous avez l'autorisation de faire un audit de conf de la base de données de la cantine du collège Paul Langevin de Mufflins.
@GroBill: merci pour ce premier commentaire.
Tu es un peu taquin, mais j'ai effectivement eu entre les mains une pré-version de la procédure de labellisation qui confirme tes dires.
Pas de panique: j'attends une version un peu plus "officielle" de ce document pour bloguer :)
on attend surtout que les premiers qui vont passer au grill nous racontent leur expérience...
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